| Josephine Bertrand-TCHAKOUA, réalisatrice de FANTA : "J'ai fait un film sans budget et avec des relations" L'artiste s'est confiée à nous. Entre humour et inédits... Yaoundé, le 1er Novembre 2001 : Joséphine Jo, Joséphine Tchakoua, appelez comme vous voulez. Le concentré humain est le même: du sang camerounais, quelques fibres centrafricaines et une sensibilité française. En son (musique) ou en image (cinéma), l'artiste rame sur les vagues de l'éclectisme. Elle s'est confiée à nous. Entre humour et inédits. Cameroon-Info.Net: Ceux qui vous ont connue chanteuse se demandent comment vous êtes devenue cinéaste. Joséphine-Bertrand Tchakoua : Pendant que je sortais mes deux albums, j'étais étudiante en cinéma. Ma formation de cinéaste s'est faite dans trois écoles. D'abord au Quartier Latin à Paris, puis à l'Ecole Supérieure des Spectacles et enfin aux Cours Florent qui constituent la plus grande école de comédie en France. Huit stars françaises sur dix y ont étudié. Les programmes sont axés sur l'art dramatique, la réalisation, la gestion des entreprises de cinéma, etc. Cameroon-Info.Net: Votre nom présente un contraste qui augure d'une liaison sentimentaleÉ Joséphine-Bertrand Tchakoua : Je suis mariée, bien rangée et fidèle depuis 14 ans. Je protège cependant ma famille des médias. J'ai un mari et des enfants attentionnés. Je puis dire que je suis une réalisatrice accomplie et une épouse loin d'être malheureuse. Cameroon-Info.Net: Vous aurez pu vous appeler Joséphine Bertrand simplement. D'ajouter votre nom, ça traduit un souci de se conformer à une mode; ou ça parle d'une intention d'affirmer son identité ? Joséphine-Bertrand Tchakoua : Plutôt la seconde idée, je suis fière d'être camerounaise. Je mettrais toujours Tchakoua sur mes Ïuvres. Ainsi on saura toujours d'où je viens. A mon sens, c'est très important. Cameroon-Info.Net: 300 millions de francs CFA pour tourner FANTA. Serait-ce de l' aisance matérielle ? Joséphine-Bertrand Tchakoua : Laissez-moi rire. 300 millions c'est 3 millions de FF et c'est largement insuffisant pour faire un film qui soit révélateur de la richesse de son réalisateur. Si l'on tient en compte qu'un film de budget moyen nécessite environ 1 milliard 800 millions de FCFA, on s'aperçoit que FANTA n'est pas un film à petit budget. C'est un film sans budget. Cameroon-Info.Net: Comment avez-vous réussi à boucler le montage, tournage etcÉ? Joséphine-Bertrand Tchakoua : J'ai fait FANTA plus avec des relations de confiance qu'avec de l'argent. Tenez: certains techniciens ont travaillé gratuitement. On a tourné des séquences pendant 24 heures sans que personne ne dorme. J'ai bénéficié des voitures des copains quand il fallait louer des véhicules. Certaines amies faisaient la "popote" chez elles et cela nous empêchait d'acheter de la nourriture, etcÉ Croyez-moi, j'aurais été incapable de payer tout ces gens. Je crois finalement que dans l'industrie cinématographique, le contact est aussi important que l'argent. Cameroon-Info.Net: Il reste que la crise du cinéma camerounais est essentiellement une crise de financement. Comment pourrait-on résoudre ce problème, à votre avis ? Joséphine-Bertrand Tchakoua : Le problème posé est complexe et je doute qu'on puisse formuler sa solution dans les colonnes d'un journal. Il faut une réflexion profonde, un projet mûri qui tienne d'abord compte de l'urgence des sessions de formation des intervenants de la chaîne de production, du laboratoire, de la gestion des salles, etc. C'est alors qu'on pourra mûrir les études sur les circuits de financement. Cela paraît facile à dire mais c'est très difficile à mettre en oeuvre. Cameroon-Info.Net: Y a t-il des aspects de votre vie qui se retrouvent dans le film "FANTA" ? Joséphine-Bertrand Tchakoua : Pas du tout. Cette Fanta qui galère, ce n'est pas moi du tout. FANTA est une Ïuvre de fiction. La seule chose qui fait trait à ma vie, c'est le fait que Lucas (un des personnages principaux, ndlr) soit photographe. C'est un hommage à mon père qui, dans sa jeunesse, était photographe. Cameroon-Info.Net: Le clip de "Musiquine" a été enregistré dans une salle d'aérobic. Joséphine Tchakou a-t-elle un penchant pour le sport ? Joséphine-Bertrand Tchakoua : J'ai toujours été sportive. Dans ma jeunesse, j'ai été gardien de but et ailier gauche. Mes tantes m'ont demandé d'arrêter la pratique du football, estimant que ce n'est pas un sport pour filles. Par la suite, je me suis mise au cyclisme. Aujourd'hui, je fais du gym tonic et de l'aérobic. Cameroon-Info.Net: Avez-vous gardé une touche culinaire camerounaise par dessus votre long séjour dans l'Hexagone ? Joséphine-Bertrand Tchakoua : Tout à fait. Je réalise les mets les plus faciles et rapides à faire tels que la sauce de gombo avec du poisson fumé ou de la viande, les feuilles de manioc que nous achetons là-bas déjà pilées. Je prépare parfois un mets que les centrafricains appellent "koko" et les camerounais "Okok". Je le prépare très souvent à la façon centrafricaine, comme chez ma mère. Cameroon-Info.Net: Quelles sont vos préférences musicales ? Joséphine-Bertrand Tchakoua : Il m'arrive d'écouter du classique (que je n'aime pas vraiment). J'aime Vivaldi autant que Koffi Olomidé et Shaggy. En réalité, j'écoute tout ce qui me plait. Je refuse de m'enfermer dans un style. Ceci sans doute à cause de mon passé de DJ. Cameroon-Info.Net: Racontez-nous ça É Joséphine-Bertrand Tchakoua : J'ai été disc-jockey dans le night-club La Madrigue à Bali (Douala) dans la seconde moitié des années 1980. Je crois avoir été la seule fille dans ce cas. J'avais été formée par DJ Sammy, le plus ancien disc-jockey de Douala qui exerce encore aujourd'hui au Night Spot. Il m'a appris l'animation, les enchaînements, les jeux de lumière, comment chauffer une salle ou faire descendre la pression. Je crois avoir été une bonne élève parce que les gens étaient satisfaits de mes enchaînements, revenaient très souvent et m'envoyaient des verres pour me féliciter. Cameroon-Info.Net: Quand et pourquoi avez-vous arrêté l'expérience ? Joséphine-Bertrand Tchakoua : Ça devenait épuisant pour moi. En fait, j'aime dormir la nuit et, lorsque je veille une nuit durant, il me faut une journée entière pour récupérer. J'ai exercé pendant 8 mois puis, exténuée, j'ai arrêté. Le public, le patron de la boîte, mes amis, tout le monde l'a regretté. Moi, en premier. Cameroon-Info.Net: Est-ce le pire des souvenirs de votre existence ? Joséphine-Bertrand Tchakoua : Non. (La voix écrasée) Le pire, c'est la mort de mon père. Elle continue à me faire souffrir. Je ne parle jamais de mon père au passé (à moins qu'il s'agisse d'un lapsus). Pour moi, il n'est pas parti. Il est là. Tellement c'est fort qu'il suffit que je ferme les yeux pour le voir. Cameroon-Info.Net: Etre femme et Dj a-t-il fait de vous une star avant l'heure ? Cela a t-il ameuté des "dragueurs" vers vous ? Joséphine-Bertrand Tchakoua : Pas vraiment. Les hommes me félicitaient, les femmes aussi. Et tout s'arrêtait là. On n'a pas besoin d'être Dj pour ameuter les garçons. Aujourd'hui par exemple, je n'exerce plus ce métier mais, quand je passe dans la rue, les regards masculins suivent (rires). Cameroon-Info.Net: En tant que cinéaste, vous imaginez que ces hommes vous voient sous quel plan (américain, plongée, contre-plongée, etc.) ? Joséphine-Bertrand Tchakoua : S'ils sont à l'étage, ils me voient en plongée. S'ils se trouvent dans un trou, ils me voient en contre-plongée. Mais, en réalité, ça m'est égal. Heyndricks N. BILE
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