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DISTRIBUTION DE FILMS AFRICAINS
Cruel destin du cinéma africain ?
Toute ulcérée, la réalisatrice Camerounaise Joséphine Bertrand Tchakoua ne marche pas sur des oeufs pour exprimer sa colère au sujet de la distribution des films africains. Aïe ! et on ne le sait que trop, ce maillon fait encore cruellement souffrir nos cinéastes. L'état des lieux ne s'y prête-il pas ? Aux copies de films tirées en quantités dérisoires s'ajoute l'inexistence de structures de distribution adéquates. Il s'en suit logiquement l'absence des produits africains sur nos propres écrans. C'est vrai que le manque d'argent -toujours l'argent ! - demeure encore la grosse entrave. Aussi, refusant d'être perpétuellement l'éternelle geignarde, Joséphine Bertrand se retrouve sur la brèche. Si personne ne s'y implique sérieusement, qui d'autre viendra le faire à la place de nos cinéastes. Assez donc de ce mortel attentisme et de ces salles de Cinema d'Afrique sans nos propres films, alors que le public en réclame. Ainsi de Paris à Ouaga, la copie de son film "Fanta" sous les bras, cette réalisatrice est venue occuper début août 2001 et en exclusivité la salle du Ciné Burkina. Succès.
La projection de Fanta a dépassé les espérances des exploitants de Sonacib (Société nationale d'exploitation de cinéma burkinabè) : "l'affluence du public est au-dessus de la moyenne ". Pourtant ils ne s'attendaient pas à ce score, car très sceptiques au moment des tractations avec la cinéaste. Celle-ci en a été gratifiée par le feed-back des cinéphiles ouagalais : "il est comme ça ton film !" se réjouissent-ils en pointant le pouce vers le ciel. L'oeuvre est en fait une comédie de 75 minutes qui retrace les difficultés d'un couple mixte. Les querelles vont succéder aux interminables disputes sans occulter toute une escouade de jalousies qui finit par s'en mêler. Dramatique, ce film se veut véritablement désopilant. Du reste, le cinéma n'est-il pas fait pour divertir ? Joséphine souscrit en tout cas à un tel registre : être distrayant et utile. Autrement, il faut se départir des films ennuyeux. Car à17 ans, dit-elle, elle avait déjà constaté combien nos films étaient fades et insipides. Le caractère universel du cinéma ne veut-il pas qu'une oeuvre filmique procure un maximum de sensations bienfaisantes au cinéphile. Peu importe, que ce dernier vienne du Groënland. de Falagountou ou de n'importe quel point du globe. Je crée, donc je suis Produire des émotions n'étant l'apanage d'aucun peuple, elle milite donc pour la production de films qui fassent plaisir au monde entier. Même si elle demeure convaincue que relever un tel challenge passe d'abord par l'engouement suscité dans les salles obscures africaines. Peut-il en être autrement avec cette battante ? N'a-t-elle pas produit elle-même ce film qui cadre bien avec son rayon de divertissement ? Mieux, cette réalisation, elle l'a voulue ainsi, sans influence extérieure surtout pas celle des producteurs qui vous dictent leur vision du monde. Du coup, réussir son parcours commercial justifie aussi la fougue qui anime cette dame. Il faut bien amortir les coûts engagés. Bien sûr ! Au-delà, c'est à une véritable bousculade des habitudes qu'elle convie ses collègues réalisateurs qui attendent tout des producteurs. Plus souvent, il faut bouger en s'investissant soi-même dans la diffusion. Cela finirait bien par payer si les exploitants de salles se convainquent de la qualité des oeuvres fournies et de l'intérêt que leur porte le public. En clair, cinéastes aidez les distributeurs à vous aider ! Même en leur forçant parfois la main. Avec "Fanta" par exemple, ils n'y croyaient pas tellement. Mais au fi nish et à leur grande satisfaction, les séances de projection ont vu affluer un nombre acceptable de cinéphiles. Si bien que la copie du film restera encore pendant trois bons mois au Burkina. Il faut signaler que toute réussite est conditionnée à : une bonne campagne publicitaire pour annoncer les futures programmations. Comme ils l'ont si bien fait avec "Sia, le rêve du python", "Silnandé", "Mobutu, roi du Zaïre" ou encore "Lumumba", il arrive que des réalisateurs américains investissent 50% du budget du film. Ce qui n'étonne pas lorsque ces films atteignent des affluences faramineuses qui se chiffrent à plusieurs dizaines de millions d'entrées. Reconnaissons ici que les financements n'ont pas le même ordre de grandeur : Dire que certains cinéastes africains --Jean Odoutan du Bénin en l'occurrence- font dans l'autosatisfaction avec seulement 12000 entrées en France ! Ne baissez pas les bras ! Dans ce dernier pays, la politique de diffusion des films africains n'arrangent pas nos cinéastes. Amers. Joséphine ainsi que le Malien Adama Drabo pour ne citer que ces deux, n'y adhèrent pas. Et à juste titre ! Car, disent-ils, "nos films ne sont pas vus du grand public parce que certains distributeurs ont pris la funeste habitude de les projeter dans un cercle où se retrouvent des pédagogues, ethnologues et autres théoriciens du cinéma africain". Dans ces conditions, la rentabilité ne peut être que bannie du vocabulaire des cinéastes africains. C'est donc la mort dans l'âme qu'ils déambulent de festivals en festivals pour espérer voir leur film diffusé. Ce faisant, ils s'affublent du ridicule qualificatif de "faiseurs de films de festival". Joséphine s'y refuse. C'est pourquoi après avoir stigmatisé tous ces circuits de production et de distribution discriminatoires, elle se décide à agir. Après l'étape du Burkina, c'est vers d'autres villes africaines qu'elle se déplacera bientôt. Gageons qu'avec "Fanta" elle ravira les coeurs friands du 7è Art africain. T.B.
L'indépendant - N°418 11 Septembre 2001
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