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Cinéma

Fanta ou le pari de l'audace

 

Le film de Joséphine Bertrand Tchakoua est en projection avant-première ce week-end à Douala. Découverte...

 

Fanta ne vous accrochera pas par son titre. Ce dernier, trop proche du nom d'une boisson connue, ne laisse pas clairement deviner les racines sénégalaises du personnage principal du film.

Fanta ne vous accrochera pas non plus par son "allure". Cette production est résolument affranchie de l'overdose de cascades, d'algarades voire d'érotisme facile dont use un certain public de chez nous pour juger la qualité d'un film. Joséphine Bertrand-Tchakoua ne se prend pas pour John Wao ou Alphonse Beni. Son style se démarque littéralement de la mode tenue, soutenue et entretenue à coup de milliards par les majors hollywoodiennes. On sortira peut-être déçu de l'absence de scène intimiste ou de bagarres dans son film. Mais on aimera Fanta en regardant le thème traité. Plus qu'un récit linéaire des malheurs d'un couple désargenté, la bande se veut porteuse de la problématique des mariages inter-raciaux. Du makossa considéré comme "vacarme continu" à l'Afrique définie comme gîte à gorilles, ses dialogues mettent en avant l'avalanche de préjugés qui moulent l'image des blacks en europe. De la duplicité amoureuse à l'opportunisme financier, sa caméra dévoile pareillement le flot d'hypocrisies qui rongent l'âme des occidentaux. On voit défiler des blancs chez les marabouts. On prend des africaines en flagrant délit de "Kongossa" dans les rues de Paris. On se découvre en même temps qu'on redécouvre l'Autre. Et, au fil des séquences, on se surprend à reconsidérer la réalité des mariages mixtes.

On aimera Fanta en regardant également sa valeur technique. Pour un film traduisant le désarroi et la tension, Joséphine Bertrand-Tchakoua multiplie les plans courts (parfois aussi le montage parallèle), impulsant ainsi un rythme rapide et créant une adéquation entre pertinence scénaristique et intensité technique. On déplorera que le jeu des comédiens ne l'ait toujours pas rendu. Mais on n'oubliera pas cette succession de plans divers (moyen, rapproché, grosÉ) qui trahissent le souci d'une néo-diplomée des Cours Florent d'étaler son potentiel. Ou d'égayer les cinéphiles.

On aimera enfin Fanta parce qu'il existe. Dans un Cameroun où la production filmographique est quasi-nulle, où le premier long métrage en 35mn signé d'une femme date de l'année 2000 et où les réalisatrices n'abondent guère, l'argument vaut son pesant d'or. Fanta charrie à sa manière l'espoir de renaissance du cinéma camerounais. Il n'y a donc rien de scandaleux à ce que le patriotisme conduise les habitants de Douala au Bonaprison ou à l'Eden ce 08 décembre. Après tout, n'est-ce pas là ce "douzième homme" qui accompagne les victoires des Lions Indomptables du football ?

 Heyndricks N. BILE

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