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L'attente a été longue. Trop longue même.

 

 

Le public désespérait de revoir un. jour un film camerounais à l'écran (même Noirs). dans l'une de nos salles commerciales. Mais un matin du mois de septembre. il apprend. par le canal des médias que Fanta est à l'affiche à l'Abbia et au Wouri. La sortie avant-première est annoncée pour le 17 novembre.

Ce premier long rnétrage de la Camerounaise Josépbine Bertrand-Tchakoua porte à l'écran les tribulations conjugales d'un couple mixte désargenté. En plus des tourments causés par l'impécuniosité d'un mari photographe en mal de travail, Fanta. l'épouse (jouée par Joséphine herself), fait face aux ingérences d' une belle-soeur un peu trop possessive. Incompréhensions. scènes de ja!ousie, disputes. réconciliations... sont le lot quotidien de ce couple franco-sénégalais.

Fanta est-il un film autobiographique ? « Non ! Je suis certes mariée a un Français mais l'histoire de Fanta n 'a rien à voir avec la mienne » rétorque la réalisatrice avant d'ajouter : « Le seul point commun entre ce film et ma vie est que dans le film Lucas, le mari de Fanta est Photographe comme immun père. C 'est tout. C 'était pour moi un moyen de rendre un hommage à mon père pour qui j 'ai beaucoup d 'admiration. D 'ailleurs le titre initial du film était "Le Photographe '' ». Si Fanta n'est pas une autobiographie, il n'est pas non plus un film militant qui pose le problème de l'intégration des africains dans la société française. Tant s'en faut. Fanta est un miroir universel dans lequel tout couple, sans distinction de races, se reconnaîtra. Qu'on soit Japonais. Indien, Arabe ou Russe, à partir du moment où on a eu une expérience conjugale. on se reconnaît dans l'histoire de Lucas et de Fanta. Un film ouvert donc qui se refusé à toute forme d'étiquetage.

On comprend donc la préoccupation de cette journaliste qui. à la sortie de la première projection de Fanta au FESPACO, demandait à la réalisatrice : « Pensez-vous que c'est vraiment un film africain, ça ?». La réponse de Josépbine Bertrand-Tchakoua est sans détour : « Tout film porte la nationalité de son auteur Je suis Africaine. Donc Fanta est un film africain. Mais le problème c 'est que Fanta n 'a pas été réalisé pour un public exclusivement africain. Il n'a pais été formaté pour plaire aux «spécialistes français du cinéma africain» qui peuplent les petites salles d'Art et Essai de Paris ». La réalisatrice n'hésitant pas à établir une relation entre ce «non-formatage» et le peu d'intérêt manifesté pour son film par les institutions françaises de financement du cinéma africain.

Toujours est-il que Fanta a été entièrement financé par CLUB IMAGES PLUS la jeune maison de production que dirige Joséphine Bertrand-Tchakoua à Paris. Le coût du film : 300 millions de francs CFA. Un chiffre qui ferait bondir d'étonnement le « messieurs cinéma » du Ministère camerounais de Ia Culture. Mais pour la jeune réalisatrice cette somme ne représente rien du tout. «Fanta est un film à très petit budget » rétorque-t-elle à certains Camerounais qui ont du mal à comprendre qu'on puisse dépenser autant d'argent juste pour faire un film.

Quoi qu'iI en .soit avec l'arrivée de Fanta sur nos écrans, c'est l'épais nuage d'opprobre qui assom- brissaît de honte le ciel de notre 7è art qui vient de disparaître. L'orgueil national est enfin sauf. Du coup les Autorités de notre pays qui ont fait du développement et de la promotion de notre cinéma 1e cadet de leurs soucis ont affiché un inhabituel empressement à recevoir la jeune réalisatrice. Lors des entretiens avec les responsables du Ministère de tutelle des promesses lui auraient été faites. On espère bien qu'elles seront tenues. Car chez nous l'expérience a montré que de telles promesses n'engagent que ceux qui y croient. Et Joséphine, dans sa naïveté tout occidentale y a cru. Son long séjour en Europe lui a fait oublier que « le Cameroun c'est bien le Cameroun». Tout un programme.

 

Guy NANA

SUD PLATEAU N° 009 OCTOBRE - DECEMBRE 2001

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